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Maître à Bord
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Maître à Bord
  • Résumé : REUSSIR SON VOYAGE AU LONG COURS. Le Maître à bord, c'est vous. C'est le rôle qu'il vous faudra maîtriser lorsque vous aurez la responsabilité de votre navire, en toute humilité en souvenir des marins qui ont forgés votre imaginaire.
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16 novembre 2011

Thaïlande - Sortie en mer sur l'Alibi 54


Alibi 54, la bonne raison pour naviguer sur deux coques.
 
Par un heureux hasard, un ami séduit par un catamaran pas ordinaire me demande de l'accompagner. Le Chantier Alibi se trouve en Thaïlande, dans l'est de Bangkok. Alibi, quelle meilleure raison pour une escapade sous le soleil d'Asie au plus froid de notre hiver métropolitain? Il eut été cruel ne pas partager avec vous, lecteurs, ces chaudes journées.

Sévères, rigoureuses, deux hautes étraves inversées semblent attendre docilement qu'on largue les amarres. Lignes tendues soutenues par le dessin d'une arête, Alibi est posé sur l'eau comme en apesanteur. Son profil rejoint les jupes avec la grâce du dauphin qui joue à la surface des flots. Tout est dit dans le mariage de ces deux tendances; fluidité et tension s'accordent ici en belle harmonie.  

Accès au pont par quatre marches habillées de teck, nous voici prés du poste de barre, un de chaque bord, ou plutôt quatre de chaque bord, puisque la colonne pivote sur sa base et offre la plus agréable position possible en fonction de l'allure et du temps. Dans la brafougne, on la rabat dans le cockpit à l'abri de la casquette, et par beau temps, on peut aller jusqu'à barrer assis dans le siège latéral où aboutissent les filières. Quelle que soit la position, la visibilité sur l'avant est totale, le roof étant posé sur des baies panoramiques. 

Au pied de chaque poste de barre, un winch et quatre bloqueurs pour les drosses de dérive, le chariot de GV, l'écoute de solent. Un astucieux système de rangement escamote toute longueur inutile. Le winch reçoit aussi les drosses d'emmagasineur et les écoutes de spi et code 0. Sur le roof devant chaque barre, un bloqueur pour l'écoute de GV et un autre winch qui reçoit aussi les drisses, bosses de ris et éventuellement un barber. Nulle manivelle sur le pont, tous les winchs sont électriques.  

Amarres larguées, la drisse de GV est tournée au winch, le chenal de la "Ocean Marina" s'ouvre sur la baie de Pataya. La grand voile à corne en Hydranet monte sans aucun effort en tête du mat pivotant, pendant que la drisse mouflée est recrachée à bon débit par le self-tailing. Bosse d'amure étarquée, un bloqueur sur le mat permet de libérer le winch. Reste à lover la drisse en pied de mat. L'étarquage du guindant se fera si nécessaire par la bosse de cuningham.

Pour cette première sortie par temps de demoiselle, le solent est laissé roulé. Nous hissons directement d'un coffre avant le code 0, choisissons les loops de pont sur lesquels seront frappées les poulies ouvrantes. En moins  de cinq minutes, tout est paré et 197m² de toile prennent le relais de.. de quoi au fait? Pas un bruit depuis le ponton, pas d'odeurs de fumée, pas une vibration. Alibi est propulsé par deux moteurs électriques, nous découvrons là un des atouts majeurs de ce catamaran atypique. 

Car l'Alibi 54 est beau, mais aussi intelligent et en avance sur son temps. Destiné à une clientèle hédoniste, il est une synthèse d'objectifs, notion diamétralement opposée à une classique somme de compromis. Un exercice de haut vol auquel Loïc Gobfert s'est attaqué avec toute son expérience acquise dans le monde de la course au large. Les efforts physiques nécessaires, l'austérité des aménagements, l'anorexie des matériaux, ont été gommés et assagis pour marier confort et performances. 

Le premier obstacle à ce mariage est le déplacement du bateau. Un catamaran alourdi par ses éléments de confort n'est plus performant. La question du poids de la coque a été réglée par la maîtrise du sandwich époxy, avec le carbone juste là où il faut pour contrôler l'envolée des tarifs. Mais la maîtrise du déplacement n'est pas la seule condition de la performance. Savoir propulser 10 tonnes en charge à plus de 20 nœuds est aussi l'affaire de l'architecte. Pari réussi par une approche radicalement différente des autres productions de série, et grâce à cet objectif de performance. Contrairement à des formes classiques privilégiant le chargement de l'arrière, il faut pour l'Alibi que les poids soient centrés. Tous les marins en comprennent l'intérêt pour  diminuer le du tangage, et tous ceux qui ont navigué en catamaran savent à quel point ce défaut est pénalisant. Adopté cet impératif de centrage des poids, la logique impose un moteur central, ce qui libère par ailleurs de l'espace dans les coques. L'exploitation des volumes au centre de la poutre avant étant difficile à optimiser sur des bateau de cette taille, l'idée semble si évidente qu'on se demande pourquoi elle n'est pas encore généralisée. Le moteur est donc intégré à la jonction entre poutre centrale et nacelle.

Anticipant pannes et évolution des technologies de production d'énergie,  sa dépose pour entretien ou remplacement se fait sans risques pour les aménagements, en détachant son berceau de la nacelle et en l'affalant sous le bateau, dans une barge ou sur un quai selon les cas. 

 
Alibi moteur          Alibi bac moteur

La propulsion électrique est aujourd'hui pour les lecteurs de revues nautiques un rêve de savant fous, au vu des expériences décevantes de ces dernières années. Cela va changer, car l'industrie automobile progresse à pas de géants dans le domaine.

Cela va changer d'autant plus vite que nous avons ici la preuve que ça marche, et que le bureau d'étude du chantier travaille chaque jour à l'amélioration du système. Avec des composants industriels dont le prix est appelé à baisser encore, le problème du coût de telles installations n'est plus rédhibitoire et autorise la prospective.

Nous avons donc derrière le moteur une génératrice, un parc de batteries au lithium et deux moteurs réversibles capables de générer 8kw lorsque l'Alibi 54 allonge la foulée toutes voiles dehors. Voilà qui réduit à peu de choses les heures moteur nécessaires pour alimenter les winches, frigo, congélateur, plaque à induction et four, dessalinisateur, WC,  pilote automatique et électronique du bord. Vous avez bien lu, pas de gaz et presque pas de gasoil à bord pour des ambitions hauturières que peu de voiliers offrent à ce jour. Cette intégration de tous les éléments consommateurs d'énergie aboutit à un rapport poids/confort à bord imbattable. Sur le plan des performances, l'électrification des winches remplace le poids d'un équipage de mulets, avec deux vitesses d'enroulement accessibles des deux bords. On peut en effet border sous le vent avec le bouton de commande au vent; un must pour naviguer solo.

Nous appareillons le lendemain pour une nouvelle sortie, cap sur l'île de Ko Phaï et ses sables blancs.  Avec 8 petits nœuds de vent dans les risées, nous progressons vent de travers à 8 bons nœuds réguliers sous code 0. Les moteurs sont en mode "régénération" et remplissent les batteries. Le bruit des transmissions est hélas un peu élevé dans ces conditions trop paisibles pour des amateurs de sensations, mais la performance est là et nous arrivons bien vite au mouillage. Le guindeau placé dans la poutre centrale dévire, la patte d'oie est maillée sur la chaîne et l'ancre fait son nid dans le sable blanc. Nous enfilons illico masques et tubas pour aller mater les dessous de la bête. 

Les dérives asymétriques coulissent dans de gros paliers en téflon sans effort, leur profil remarquable de finesse et le C du bord de fuite trahissent leurs origines régatières. Mieux encore, les safrans coulissant dans des boites sont affûtés comme des ailerons de requin, et totalement relevables. Directement issu de l'ingénierie de la course au large, l'ensemble peut être déposé par le pont sans intervention lourde. Les transmissions des moteurs pointent presque à l'horizontale, sur le bordé intérieur des coques. Appendices relevés, l'ALIBI 54  n'a que 70cm de tirant d'eau. Pas mal pour 16,40m de longueur. 

Avec plus de temps, nous aurions pu aller explorer la côte en annexe. Logée entre les deux profils du bout-dehors juste en avant de la poutre centrale, on l'affale sous la nacelle et on l'équipe d'un banc contenant la batterie du moteur électrique Torqeedo.  Un palan à 6 brins ingénieusement dissimulé permet de la remettre en place sans remonter à bord, sans aide électrique. 

Alibi mouillage          Alibi plage avant

Pour les baigneurs, le retour à bord s'effectue par deux plate-formes intégrées dans le bordé intérieur des jupes, qui frôlent la surface une fois déployées.  Dans cette position, elles donnent accès à deux grands coffres où le matériel de bain et de plongée sont rangés au lieu d'encombrer le pont ou le cockpit. On y monte d'un coup de palme, de préférence à tribord en fin de baignade, pour profiter de la douchette qui évite de rapporter trop de sel à l'intérieur. 

Le cockpit, protégé du soleil par l'allongement gracieux du roof, invite à s'asseoir adossé à la poutre arrière, dans laquelle est monté le pilote automatique et un petit frigo fort utile sous les tropiques. Le plancher file droit vers le carré, protégé d'un éventuel envahissement par un drain et une  gouttière dans laquelle coulissent les deux battants de la baie vitrée; même de l'arrière, la vue sur les étraves est panoramique, autorisant une veille efficace dans presque toutes les conditions. 

Un îlot central coupe le carré en deux: tribord pour la navigation, informatisée comme il se doit, bâbord pour la cuisine, dont nous avons évoqué l'équipement plus haut. Les formes arrondies de l'îlot facilitent la circulation. Il intègre de nombreux coffres et équipets, la table s'affale au niveau des banquettes et un coussin vient former une bannette de quart sans défaut.

Le plancher surélevé de l'îlot préserve la vue panoramique même en position assise, et libère l'espace nécessaire pour stocker les batteries, conçues pour délivrer les 400 volts nécessaires à la propulsion. Un dispositif de sécurité interdit toute électrocution par sectionnement automatique du parc en plusieurs unités de 12v. 

Sur la route du retour, le spi asymétrique est envoyé, lui aussi d'un emmagasineur. Il a suffit d'affaler le code 0 dans son coffre et de changer la chape basse sur la poulie d'enroulement. Une évolution déjà envisagée prévoit deux "galettes" sur le bout dehors pour supprimer cette manœuvre de changement de chape d'amure. Las, le vent est bien faible et il faut toute la bonne entente de l'ALIBI et de son barreur pour fabriquer un peu de vent apparent. L'équilibre de barre décontenance et surprend le rêveur. Dans ces molles conditions, il faut chercher à défriser l'oreille du spi pour trouver l'angle au vent le plus efficace, ce qui permet de frôler les dix nœuds surface pour moins de sept de vent réel. 

Arrivée au ponton comme en vélo. Prés des étraves, l'accès aux coffres à aussières et pare-battages est aisé, les magnifiques taquets bien disposés, et l'efficacité des moteurs telle que le bateau se place au millimètre prés là où on le souhaite. 

La troisième sortie nous offrira un peu plus d'air et toujours une vitesse égale ou supérieure au vent réel. Je ne me souviens pas avoir barré un bateau capable de telles performances. Nous affalons le spi pour tester le solent auto-vireur. La vitesse chute, mais nous naviguons à 45° du vent à 6 nœuds de vitesse surface pour 12 nœuds de vent réel. Même par petit temps, les virements sont nets et sans bavures. 

Les conditions de navigation sont propices à l'exploration des coques. Les cabines sont grandes et claires, les toilettes, un cabinet dans chaque coque, lisses et hygiéniques, les accès aux couchages surélevés beaux et pratiques. Le chantier étant très ouvert sur les possibilités d'aménagements, je m'attarde sur la qualité d'exécution, la créativité dans les formes, la facilité d'accès aux coffres et aux divers équipements. L'absence de contre-moulages et le degré de finition des surfaces est fidèle à l'esthétique extérieure. Simplicité d'entretien préserve l'avenir du bateau.

Alibi cabine propiriétaire          Alibi mach a laver

J'en arrive à chercher des défauts, rien ne choquant l'œil au premier abord. Et j'en trouve, mais aucun qu'une solution simple ne puisse résoudre. Ici une porte ouvrant sur un bord peu pratique, là une charnière un peu fragile pour le niveau d'exigence du reste de la fabrication, et aussi des solutions à trouver pour mieux intégrer les extrémités des câblages électriques, dont 80% sont inclus dans l'épaisseur des cloisons.

Dernier milles, on affale, la drisse de GV coince un peu, le système expérimental qui guide la têtière dans son chariot s'est mis de travers. Encore un détail de mise au point, le chantier n'a pas reçu les anneaux à friction qui doivent équiper le système, mais sans aucun doute, cela fonctionne, et comme dans le reste, on y trouve quelque chose de génial. Avec en fabrication un 65 pieds et un cabriolet de 54 dans les cartons, Alibi n'a pas fini de nous surprendre. 

AR

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Commentaires
O
Je souhaiterai obtenir des informations sur cet Alibi.<br /> <br /> Doc, plans et tarif mais le site ne fonctionne plus.<br /> <br /> Le chantier existe t'il toujours?<br /> <br /> Merci OLIVIER
A
Ah, quand on aime on ne compte pas. N'ayant pas l'intention d'en acheter un tout de suite, je n'ai pas abordé la question du tarif. <br /> <br /> En fait c'est modulable car très personnalisable. Compter un petit million d'euros pour un Alibi correctement équipé. Très bien placé pour ce genre de bateau. <br /> <br /> Alex
P
Ah que j'aurais bien aimé faire un p'tit tour (...du monde?) avec ça!<br /> <br /> Et ça va chercher dans les combien, le ticket d'entrée?<br /> <br /> A part ça, bonne idée, le blog, et puis c'est bien fait. Merci!
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